La reliure lyonnaise, un véritable bouclier contre le temps

17 Juil 2024

Si la reliure artisanale des actes administratifs émis par les collectivités locales est désormais obligatoire par suite du décret n°2010-783 du 8 juillet 2010, il s’agit en réalité d’une pratique bien plus ancienne et tout à fait commune, comme pourraient en témoigner de nombreux services d’archives. En revanche, il est assez peu fréquent de trouver d’aussi belles reliures que celle du registre de Délibérations du Conseil que nous a confié Villeneuve Lez Avignon.

La reliure, véritable protection du registre

Ce registre datant du XVIIe siècle, est doté d’une couvrure à la décoration exceptionnelle qui, malgré l’épreuve du temps, a su en protéger les pages. Celles-ci ne présentent que quelques auréoles d’humidité, de petites lacunes, des coins écornés et des fonds déformés sur les derniers cahiers : en somme, un bon état de conservation pour des pages vieilles de plus de 400 ans.
La reliure, une véritable protection pour le registre
L’intégralité des feuillets est toutefois scrupuleusement nettoyée, mise à plat et renforcée le cas échéant. Les lacunes du papier sont comblées à l’aide de papier japonais au grammage et à la couleur adaptée au papier d’origine.

Puis, une couture dite « brochure » a pu rassembler entre eux les 12 cahiers que comporte ce registre. Cette technique, qui consiste à coudre les cahiers du registre entre eux sans ajout de rubans ou de ficelles (servant habituellement à « relier » le corps d’ouvrage à la couvrure), est identique à l’originale et permet d’apposer une couvrure souple.

La couvrure doit ici d’abord être restaurée avant d’être rattachée.

Reliure lyonnaise, bandes de cuir décorées de dorures, passementeries…

Ce registre se distingue par sa reliure lyonnaise (aussi dite reliure « de Lyon ») à l’aspect si singulier, notamment grâce aux bandes de cuir qui renforcent la couvrure souple en peau de parchemin.

À son arrivée dans notre atelier, celle-ci présentait une large coupure sur le plat avant et de nombreux manques. L’intégralité du rabat avait également disparu.

Pour un traitement adéquat, la couvrure démontée doit être remise à plat : en effet, le parchemin, une matière vivante, a beaucoup bougé et s’est rétractée au fil des ans. Les lacunes sont comblées à l’aide de peau de parchemin et les déchirures consolidées sur le côté intérieur de manière à préserver l’aspect extérieur du registre. Le rabat, quant à lui, est entièrement recréé dans le respect de la signification esthétique et historique du registre (en accord avec l’article 5 du Code éthique de l’E.C.C.O.*). À noter que la restauration reste visible, n’ayant pas pour but de feindre l’ancien.

L'aspect singulier de la reliure lyonnaise, grâce aux bandes de cuir
Des rattachements en cuir permettent ensuite à la couvrure de conserver sa forme. Ceux-ci se situent dans les coins, mais aussi au niveau de la gouttière : lorsque le rabat est ouvert, une étoile apparaît sur le plat avant du registre.
Rattachements et liens des passementeries de la couverture
Ces rattachements, tout comme les liens des passementeries, sont extrêmement usés, et même rompus dans certains cas. Impossibles à restaurer, ils sont conservés séparément (en accord avec l’article 15 du Code éthique de l’E.C.C.O.*) et reproduits dans un style identique à l’aide de cuir de veau. Ici brun, celui des passementeries (le tressage décoratif à l’aide de lanière) est quant à lui blanc et vient orner les cinq bandes de cuir qui décorent la reliure. Toutes sont d’origine : seule la bride du milieu a dû être restaurée par l’ajout d’une lanière de veau brun teintée. Elle est discrètement rattachée à la bande correspondante dans le dos et peut ainsi venir refermer le registre à l’aide de la boucle en métal, elle aussi d’époque.
Fleurs de lys en dorure entre les liens des passementeries
Détail hors du commun : des dorures représentant des fleurs de lys se sont glissées entre les passementeries et ont parfaitement résisté à l’épreuve du temps.
Couverture rattachée à l'ouvrage grâce à des liens en parchemin
Une fois la couvrure entièrement restaurée, elle est rattachée au corps d’ouvrage à l’aide de liens torsadés en parchemin, pour offrir à l’ouvrage sa splendeur et sa solidité d’antan.

Ainsi, ce registre a été restauré non seulement dans le respect des normes en matière de restauration, mais également dans l’esprit de la reliure lyonnaise : une couvrure souple et néanmoins robuste, qui tient uniquement par ses coutures et ses liens. Typique du Dauphiné et fortement imprégnée de la mode italienne, on la retrouve plus généralement dans le sud-est de la France, où le registre retournera après sa cure de jouvence dans notre atelier corrézien.

Ouvrage restauré dans les normes de la reliure lyonnaise
* E.C.C.O. : European Confederation of Conservator-Restorers’ Organisations (Confédération Européenne des Organisations de Conservateurs-Restaurateurs). Code éthique disponible sur ce lien.
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